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July 23, 2004

La menace venue des bois... l'explication !

Pour Gaëlle et sûrement beaucoup d'autres personnes, voici la délivrance, la réponse à vos interrogations écologiques surgies de la lecture d'un bout de texte affolant :
« Cinq minutes plus tard, il [Ford Escort] était assis et se massait la tempe sur laquelle naissait une assez jolie bosse.
« Qui diable est cette bonne femme ? dit-il. Pourquoi sommes-nous entourés d'écureuils et qu'est-ce qu'ils veulent ?
— Ils n'ont pas cessé de m'empoisonner toute la nuit, dit Arthur. Ils n'arrêtent pas de vouloir m'offrir des revues et des tas de trucs. »
Ford fronça les sourcils. « Vraiment ?
— Et des bouts de chiffon. »
Ford réfléchit.
« Oh fit-il. Et c'est près de l'endroit où ton vaisseau s'est écrasé ?
— Oui, confirma Arthur un peu crispé.
— C'est sans doute ça. C'est un truc qui arrive. Les robots de cabine du vaisseau sont démolis. Les cyberesprits qui les contrôlent survivent et se mettent à infester la faune locale. De quoi vous transformer tout un écosystème en véritable entreprise de service désespérément prévenante, qui passe son temps à distribuer boissons fraîches et serviettes chaudes à tout les passants. Il devrait y avoir une loi pour l'interdire. Il y en a sans doute une. Et sans doute aussi une loi interdisant toute loi qui l'interdise pour que tout le monde puisse toujours être en forme et désaltéré. Et, oh ? Qu'est-ce que tu disais ? »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, V - Globalement inoffensive
[pages 253-254, Éditions Denoël (1994), collection Folio SF (2001)]

Posted by Jean-Philippe on July 23, 2004 38 Comments, 259 TrackBacks

July 01, 2004

La menace venue des bois

« (...)
Il y avait malgré tout quelque chose d'anormal dans ces bois.
Elle n'aurait pas su dire immédiatement quoi, mais ils ne lui faisaient pas l'effet de bois vigoureux et sains guettant l'arrivée d'un bon printemps. Les arbres penchaient de guinguois, maladifs, avec une espèce d'air blafard et rouillé. Plus d'une fois, Aléa eut la désagréable impression qu'ils cherchaient à la saisir au passage, mais ce n'était qu'un effet des jeux de lumière de sa torche qui faisait tressauter leurs ombres.
Soudain, quelque chose tomba d'une branche devant elle. Elle fit un saut en arrière, affolée, laissant échapper la torche et la boîte. Elle s'accroupit et sortit de sa poche son caillou spécialement aiguisé.
La chose qui venait de choir de l'arbre bougeait. La torche qui gisait au sol pointait dans sa direction et Aléa vit une vaste ombre grotesque progresser avec lenteur dans le faisceau de lumière, droit vers elle. Elle décelait à présent de faibles couinements et bruissements au milieu du sifflement régulier de la pluie. Elle chercha sa torche à tâtons, la récupéra, la braqua droit sur la créature.
Au même instant, une autre se laissa également tomber d'un arbre, à quelques mètres à peine. Affolée, Aléa faisait courir frénétiquement sa torche de l'une à l'autre. Elle tenait son caillou brandi, prête à frapper.
Les créatures étaient toutes petites, en fait. C'était l'angle de l'éclairage qui leur avait donné cette taille inquiétante. Non seulement elles étaient toutes petites mais petites, douces et fourrées. Et voilà qu'une troisième dégringolait des arbres. Elle tomba dans le faisceau de lumière, de sorte qu'Aléa la vit parfaitement.
Elle atterit avec précision, pivota puis, comme les deux autres, se mit à avancer d'une démarche lente et décidée vers Aléa.
Celle-ci resta figée. Elle tenait toujours son caillou levé mais prit progressivement conscience que les créatures sur lesquelles elle s'apprêtait à le lancer étaient en fait des écureuils. Ou du moins, des créatures analogues à des écureuils. Des créatures douces, tièdes et fourrées analogues à des écureuils, qui avançaient vers elle d'une façon qu'elle n'était pas certaine d'apprécier.
Elle braqua sa torche droit sur la première qui poussait des couinements saccadés, agressifs et tenait dans un de ses petits poings une espèce de bout de chiffon humide et rose. Aléa soupesa la pierre dans sa main, l'air menaçant, mais cela ne parut guère impressionner l'écureuil qui avançait toujours, son bout de chiffon humide à la main.
Elle recula encore d'un pas, se prit la cheville dans une racine et tomba à la renverse.
Aussitôt, le premier écureuil plongea sur elle comme une flèche ; il atterrit sur son estomac et continua d'avancer, une lueur glaciale et décidée au fond des yeux et un bout de chiffon humide dans le poing.
Aléa essaya de se redresser mais ne réussit à se soulever que de quelques centimètres. Le mouvement de surprise de l'écureuil juché sur son estomac la surprit en retour. L'écureuil s'immobilisa, lui agrippant la peau entre ses petites griffes à travers son corsage trempée. Puis lentement, centimètre par centimètre, il continua de grimper vers elle, s'arrêta et brandit sous son nez le bout de tissu.
Aléa était presque hypnotisée par l'étrange conduite de l'animal, par ses petits yeux brillants. Il brandit de nouveau son chiffon. Il le poussait vers elle avec insistance, en couinant de plus belle, jusqu'à ce qu'enfin, nerveuse, hésitante, elle le lui prenne. L'animal continuait de l'éplucher du regard. Aléa ne savait trop que faire. La pluie et la boue dégoulinaient sur son visage et un écureuil était assis sur elle. Elle prit le chiffon pour s'essuyer les yeux.
L'écureuil poussa un couinement de triomphe, récupéra son chiffon, sauta par terre, détala dans les profondeurs de la nuit, grimpa à toute allure le long d'un arbre, plongea dans un trou du tronc, s'y installa confortablement et alluma une cigarette.
Pendant ce temps-là, Aléa essayaitde chasser l'écureuil muni du gland rempli d'eau et celui qui tenait le papier. Elle recula en se tortillant sur les fesses.
« Non, cria-t-elle, allez-vous-en ! »
Ils décampèrent, affolés puis repartirent à l'attaque, agitant leurs présents dans sa direction. Elle brandit son caillou. « Allez-vous-en ! » glapit-elle.
Les écureuils trotinnaient en cercle, consternés. Puis l'un des deux fonça vers elle à toute vitesse, lâcha le gland sur ses genoux, fit demi-tour et déguerpit dans la nuit. L'autre hésita, tout tremblant, puis il vint poser son bout de papier juste devant elle avant de disparaître à son tour.
Elle se retrouva seule, mais elle tremblait de confusion. Elle se releva tant bien que mal, récupéra son caillou et son paquet puis, après une hésitation, ramassa également le morceau de papier. Il était si détrempé et déchiré qu'il n'était pas évident de deviner ce que c'était. Apparemment, un fragment de magazine promotionnel de compagnie aérienne.
(...) »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, V - Globalement inoffensive
[page 226-230, Éditions Denoël (1994), collection Folio SF (2001)]

Posted by Jean-Philippe on July 01, 2004 89 Comments, 4261 TrackBacks

June 11, 2004

L'exercice du pouvoir galactique

« Le problème majeur – l'un des problèmes majeurs, car ce n'est pas le seul – l'un des nombreux donc, problèmes majeurs que soulève l'exercice du pouvoir est fonction de qui l'on trouve pour l'exercer ; ou plutôt, de qui s'arrange pour amener les gens à le laisser l'exercer sur eux.
En résumé, il est un fait patent, que ceux-là mêmes qui ont le plus envie de gouverner les gens sont, ipso facto, les moins aptes à le faire. Pour résumer le résumé : quiconque est capable de parvenir à se faire élire président ne devrait à aucun prix être laissé libre d'exercer cette fonction. Pour résumer le résumé du résumé : les gens sont un vrai souci.
Telle est donc la situation que nous trouvons : une longue théorie de présidents galactiques ravis de goûter les plaisirs et les pompes du pouvoir au point de bien rarement se rendre compte qu'en fait ils ne le possèdent pas.
Et quelque part, derrière eux, dans l'ombre – qui ?
Qui peut donc bien gouverner quand aucun de ceux qui en ont l'envie n'a la possibilité de le faire ? »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[page 174 (chapitre 28), Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on June 11, 2004 57 Comments, 151 TrackBacks

June 07, 2004

Nature géo-sociale de l'Univers

« L'un des principaux arguments de vente de cet ouvrage en tout point remarquable qu'est le Guide du routard galactique, outre son prix relativement modéré et le fait qu'il porte la mention

PAS DE PANIQUE !

en larges caractères amicaux sur sa couverture, c'est son glossaire à la fois complet et parfois exact. Les statistiques relatives à la nature géo-sociale de l'Univers, par exemple, sont adroitement insérées entre les pages neuf cent trente-huit mille trois cent vingt-quatre et neuf cent trente-huit mille trois cent vingt-six ; et le style excessivement simple avec lequel elles sont rédigées s'explique en partie par le fait que, tenus par les délais de fabrication, les éditeurs recopièrent cet ensemble d'informations sur le dos d'un paquet de flocons d'avoine, non sans avoir hâtivement entrelardé le tout de quelques notes, à seule fin d'éviter les poursuites sous le coup des incroyablement tortueuses Lois galactiques sur le droit d'auteur.
Notons toutefois avec intérêt qu'un rédacteur ultérieur et plus rusé que les autres réexpédia l'ouvrage dans le passé via une faille temporelle, ce qui lui permit de tranquillement poursuivre (avec succès) les fabricants de flocons d'avoine, pour infraction à ces mêmes lois.
A titre d'exemple, voici un extrait de ces statistiques :

L'Univers : quelques informations pour vous y faciliter la vie

1 Superficie : infinie.
Le Guide du routard galactique offre cette définition du mot « infini » :
Infini : plus grand que ce qu'on peut trouver de plus grand, et encore. Bien plus grand, même. Pour tout dire : vraiment incroyablement immense, d'une taille totalement ahurissante, en fait « putain de fois » mahousse. L'infinité est tout bonnement si énorme qu'en comparaison, l'énormité paraît franchement riquiqui. Gigantesque multiplié par colossal multiplié par vertigineusement vaste : tel est le genre de concept que nous essayons d'évoquer ici.

2 Importations : néant.
Il est impossible d'importer des objets dans un territoire infini, faute d'une zone extérieure d'où faire provenir les susdites importations.)

3 Exportations : néant.
(Voir Importations.)

4 Population : néant.
(On sait qu'il existe un nombre infini de mondes, tout simplement parce qu'il existe une quantité d'espace infinie pour les loger. Tous, parfois, ne sont pas habités. Par conséquent, il doit exister un nombre fini de mondes habités. Un nombre fini divisé par l'infini est si près de zéro que ça compte pour du beurre, si bien que la population moyenne de toutes les planètes de l'Univers peut donc être considérée comme égale à zéro. D'où il découle que la population totale de l'Univers est aussi égale à zéro et donc que tout individu que vous seriez susceptible de croiser de temps à autre ne saurait être que le fruit d'une imagination dérangée.)

5 Unité monétaire : néant.
En fait, trois monnaies librement convertibles ont régulièrement cours dans la Galaxie mais aucune vraiment ne compte : le dollar altaïrien s'est récemment effondré, le bouton de Q-Lôth de Pô ne s'échange que contre d'autres boutons de Q-Lôth de Pô, quant au pou-léphrite, il pose de son côté des problèmes bien spécifiques : certes, son cours actuel de neuf suhl-plats contre un pou-léphrite n'est en soi pas sorcier, mais comme le suhl-plat est une pièce triangulaire en caoutchouc de onze mille kilomètres d'arête, personne encore n'a pu en amasser suffisamment pour posséder un seul pou-léphrite. Les suhls-plats ne sont pas négociables, les Galactibanques refusant de manipuler des petites coupures. De l'ensemble de ces prémisses, on peut déduire aisément que les Galactibanques sont également le produit d'une imagination dérangée.

6 Art : néant.
(L'art a pour fonction d'être le miroir où se reflète la nature et aucun miroir n'est de taille suffisante, voir paragraphe 1.)

7 Sexe : néant.
Bon, pour dire vrai, il y a pas mal de sexe – essentiellement à cause de l'absence totale d'argent, de commerce, de banque, d'art et autres activités susceptibles de tenir occupés tous ces inexistants habitants de l'Univers. Inutile toutefois de s'embarquer dans une longue discussion sur ce sujet, tant il peut être effroyablement compliqué. Pour de plus amples informations, on se reportera de préférence aux chapitres sept, huit, dix, onze, quatorze, seize, dix-sept, dix-neuf, vingt et un, soixante-neuf et quatre-vingt-quatorze inclus du présent Guide – en fait, on pourra fructueusement consulter la majeure partie du reste de l'ouvrage. »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[pages 130-133 (chapitre 19), Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on June 07, 2004 50 Comments, 175 TrackBacks

May 25, 2004

De la non véracité relative de la réalité

« Le Guide du routard galactique est le compagnon indispensable de tous ceux qui ont à coeur de trouver un sens à la vie dans un Univers infiniment complexe et confondant car, sans pouvoir être une mine de renseignements universelle, il avait néanmoins la rassurante prétention, lorsqu'il se trompait, de se tromper totalement. En cas de décalage manifeste, c'était toujours la réalité qui avait tort.
Tel était le sens profond de la notice. On y lisait :

LE GUIDE EST EXACT.
LA RÉALITÉ EST BIEN SOUVENT ERRONÉE.

 »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[pages 42-43, Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on May 25, 2004 49 Comments, 359 TrackBacks

May 23, 2004

N'est-il point plus rassurant ?

« Zappy regarda. Joli coin, se dit-il. Mais où ? Et pourquoi ?
Il alla pêcher dans sa poche sa paire de lunettes noires. Dans cette même poche il sentit le contact d'un objet métallique inconnu, lisse et dur, et particulièrement pesant. Il le sortit afin de l'examiner. Cligna des yeux, surpris. Où avait-il pu dégotter ça ? Il le renfourna dans sa poche et chaussa les lunettes, irrité de découvrir que l'objet métallique en avait rayé l'un des verres. Enfin, il se sentait quand même mieux avec. Il s'agissait en effet d'une paire d'Hépala-100-T Super-relax-max-chromo-péril-sensitives, spécialement conçues pour aider les gens à affronter le danger d'une manière détendue : au premier signe de trouble, leurs verres virent en effet au noir absolu, évitant par là même à leur porteur de distinguer quoi que ce soit qui pût l'alarmer.
Hormis la rayure, les lunettes de Zappy étaient parfaitement claires. Il se détendit. Tout juste. »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[pages 40, Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on May 23, 2004 16 Comments, 266 TrackBacks

May 21, 2004

Z'auriez pas un m'choir ?

« Reprenons :
Au commencement, fut créé l'Univers.
La chose a considérablement irrité tout un tas de gens et bon nombre de personnes estiment même que ce fut une erreur.
Bien des races croient y voir l'oeuvre de quelque espèce de dieu, bien que les Jeuhtlavédis de Méth-Técho VII croient pour leur part que tout l'Univers fut en réalité violemment éternué de la narine d'un être qu'ils nomment le Gros Patatchoum Vert.
Les Jeuhtlavédis (qui vivent dans la crainte perpétuelle de ce qu'ils appellent l'Avènement du Grand Mouchoir Blanc) sont de petites créatures bleues munies de plus de cinquante bras chacune, ce qui leur vaut ce trait unique d'être les permiers êtres de toute l'histoire à avoir inventé le déodorant corporel avant la roue.
Nonobstant, cette Théorie-Quant-au-Nez-du-Gros Patatchoum Vert n'est pas extrêmement répandue en dehors de Méth-Técho VII et par conséquent l'Univers étant l'énigme que l'on sait, on ne cesse de lui trouver d'autres explications. »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[pages 13, Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on May 21, 2004 2 Comments, 175 TrackBacks

May 11, 2004

Il en est des théories sur l'Univers comme du reste

« D'après une théorie, le jour où quelqu'un découvrira exactement à qui sert l'Univers et pourquoi il est là, ledit Univers disparaîtra sur-le-champ pour se voir remplacé par quelque chose de considérablement plus inexplicable et bizarre.

Selon une autre théorie, la chose se serait en fait déjà produite. »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[pages 9-11, Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on May 11, 2004 45 Comments, 184 TrackBacks

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