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Le capitaine Vassart

« Petit aperçu de The Human Equation / \ Diptyque en noir »

July 26, 2004

Le capitaine Vassart

Tortuga _ 1660, une île au nord de l'Hispaniola :
« Alors, Cliff, vous avez trouvé mon homme ?
— Bien sûr, gouverneur, et quel homme !
— Comment ça : « et quel homme » ?
— Eh bien ce matin je suis allé à la taverne du port. C'est là que je l'ai déniché. Alors que je rentrais, un homme tomba à mes pieds. J'ai continué à avancer et j'ai découvert que toute la pièce était jonchée de corps gémissants. J'ai, bien entendu, tout se suite voulu savoir qui était le responsable de cette hécatombe. Je suis donc allé voir le tavernier pour me renseigner. Il me désigna du doigt, en tremblant, un homme assis à une des tables du fond. Je me suis alors approché de cette table après avoir remercié le tavernier. J'ai vu à ce moment-là le responsable de tant d'hommes mal en point. Il m'a de suite interpelé :
« Que me voulez-vous ?!
— Rien de néfaste en tout cas... j'ai tout de même une proposition à vous faire...
— Laquelle ?!
— Connaissez-vous le gouverneur ?
— Seulement de nom...
— Seriez-vous d'accord pour accepter une mission de sa part ?
— Il faut voir !... combien est-ce que cela pourrait me rapporter ?...
— Beaucoup ! Le gouverneur est un homme qui ne lésine pas sur l'argent, si vous voyez ce que je veux dire...
— Bon, il faut que j'y réfléchisse, je viendrai lui rendre visite cet après-midi. »
Vous comprenez maintenant mon expression. À lui tout seul, il a mis cinq hommes à terre ! »

Soudain trois petits coups se firent entendre :
« Qu'y a-t-il ? demanda le gouverneur.
— Un homme veut vous voir, répondit le serviteur.
— Faites entrer ! »

Un homme ouvrit la porte sans faire de bruit et entra de même. Il était d'une haute stature, très musclé, large d'épaules. Un chapeau recouvrait ses cheveux noirs. Deux yeux brillants observaient la pièce qui n'était pas moins que le salon du gouverneur. On voyait bien que cet homme était sain : il s'était rasé et coiffé. Il resplendissait de beauté non seulement par son physique mais aussi grâce à sa façon de s'habiller comme une personne haut-placée : il avait une queue de cheval ; mais c'était avant tout un boucanier, pour le rappeler il portait une boucle à l'oreille droite. Ceux qui le connaissaient bien pourront vous dire que c'était un homme de confiance sur qui l'on pouvait compter. En plus de cela, c'était un homme juste qui ne servait que la bonne cause. Il maniait à merveille la rapière, le sabre et l'épée mais ne savait pas se servir des armes à feu qu'il répugnait. Il était bon navigateur et était très instruit : se servir d'un astrolabe n'était qu'une partie de plaisir pour lui ! Il avait quand même un défaut grave pour un écumeur des mers : il n'aimait pas tuer, il épargnait plus qu'il ne tuait. Mais c'était tout de même l'homme tout désigné pour accomplir des missions dangereuses.
Cliff remercia l'homme d'être venu et sortit. Le gouverneur regarda l'homme pendant un temps assez long puis il commença un interrogatoire qui lui semblait nécessaire :
« Je vais te poser quelques questions pour savoir si tu serais apte à remplir une mission aussi périlleuse que celle que tu aurais à accomplir.
Au fait, quel est ton nom ?
— Pierre Vassart.
— Tu n'as aucun titre de noblesse ?
— Si, mais je les ai abandonnés.
— Quels étaient-ils ?
— J'étais baron de Pornichet et comte de Lorient. Mon vrai nom est De Vassart.
— Mais tu as quand même un grade ?
— Je suis capitaine français et enseigne hollandais.
— Où es-tu né ?
— À Lorient, là où je vivais.
— C'est là que tes parents vivent ? »
Vassart baissa la tête, une réponse se fit attendre :
« Non... ils sont tous morts...
— Tu as déjà travaillé pour les Espagnols ?
— Non, pas pour ces démons !!!
— Tu connais bien la ville de Vera Cruz ?
— Oui, j'y suis allé une ou deux fois.
— Tu connais quelqu'un là-bas ?
— Non, personne... à part un mendiant que j'ai soigné... il y a cinq ans... il ne se souvient sûrement pas de moi...
— Admettons, mais si tu le voyais, l'éviterais-tu ?...
— Oui, bien sûr, en espérant qu'il ne me voie et ne me reconnaisse pas.
— Tu as un équipage ?
— Oui, deux cents hommes.
— Tu as un bateau ?
— Des bâteaux : un sloop, une frégate, un gallion de guerre.
— Où sont-ils ?
— Au port, ancrés, avec mes hommes.
— De combien de canons disposes-tu ?
— De soixante-dix.
— Bon... Je crois que tu es l'homme qu'il me faut, mais il va falloir régler quelques points. »
Le gouverneur qui était debout partit s'asseoir à son bureau. Il ouvrit un tiroir d'où il tira un papier qu'il donna à Vassart. Vassart le lut à haute voix :
« Vera Cruz : 23° au nord, 96° à l'ouest. Cette cité avec son mouillage est le port principal de la grande vice-royauté intérieure de la Nouvelle Espagne. Une fois par an, au moment du passage de la Flotte au Trésor, cette cité malsaine se transforme en ville florissante et riche... »
« Vous êtes bien renseigné ! dit Vassart.
— Oui, il faut dire que j'ai de bons informateurs.
— Mais... pourquoi ce papier avec tous ces renseignements ?
— Tu vas comprendre :
Mon frère, le gouverneur de la Martinique a été fait prisonnier pendant son voyage officiel à Port-de-Paix par le pirate Leborgne.
— Cette brute !!!
— Oui, malheureusement... je continue :
Celui-ci a livré mon frère au gouverneur de Vera Cruz qui me demande de tuer le Roi quand il viendra en visite des colonies le mois prochain.
— C'est abominable...
— Oui, et je n'ai nullement l'envie de devenir un régicide. C'est pourquoi j'avais demandé à Cliff de me trouver un homme comme toi. Comme tu le sais nous sommes en guerre avec l'Espagne et l'Angleterre ; nos alliés, les Hollandais, il ne faut pas compter sur eux, ils sont trop occupés à combattre les Anglais aux îles Bahamas. Tu l'as sûrement compris, si tu acceptes cette mission, tu vas devoir faire face tout seul à de terribles dangers : les Espagnols, les Anglais, le pirate Leborgne qui garde mon frère et bien d'autres encore.
— Vas-tu accepter cette mission ?
— Hum... continuez...
— Bon... tu ne devras pas faire d'escale d'ici là-bas : n'emporte donc que huit canons et cinquante hommes. Je te fournirai tous les vivres dont tu auras besoin. Tu vas prendre une embarcation légère pour ne pas te faire remarquer : un sloop. Tu n'utiliseras les canons que pour te défendre. Arrivé à la ville, entres-y la nuit en cachette, en faisant attention au mendiant que tu ne dois pas rencontrer. Si tu te fais voir, tue les personnes concernées et jette-les à la mer avec une pierre au cou. Quand tu auras délivré mon frère, ramène-le ici au plus vite sans longer les côtes...
Alors, te sens-tu capable d'accomplir cette mission ?
— Oui ! mais... quelle sera ma récompense ?...
— Tout ce que tu voudras, dans la limite de mon pouvoir...
— Bon... en venant ici, j'ai croisé votre fille, nous avons tout de suite senti une grande attirance l'un pour l'autre, c'est pourquoi, si je vous ramène votre frère sain et sauf, je vous demanderai la main de votre fille !...
— (Euh...) Bon, puisque vous vous aimez j'accède à ta requête. Quand le Roi viendra, je demanderai à ce qu'on te fasse marquis.
— Merci de tout coeur !... quand est-ce que je pars ?
— Maintenant ! tu dois aller très vite : tu as quinze jours pour parcourir ces 1404 miles et revenir.
— Bon, je pars dans deux heures, faites préparer les vivres, moi, je vais choisir cinquante hommes de confiance parmi les deux cents que j'ai à ma disposition. Au revoir, à dans quinze jours !
— Bonne chance, que Dieu soit avec toi ! »
Vassart sortit de la pièce. Le gouverneur était rassuré car il savait que cet homme allait réussir malgré les difficultés.

Quelques minutes plus tard, Cliff rejoignit le gouverneur :
« Alors, c'est lui qui va accomplir cette mission.
— Oui, et je crois même qu'il sera capable de réussir cette mission sans accrocs.
— Comment ce nomme-t-il au fait ?
— Vassart.
— Je suis sûr que ce nom restera gravé dans votre mémoire.
— Sûrement (peut-être sera-t-il mon gendre, se disait-il).
— Je l'ai vu parler avec votre fille après qu'il fut sorti.
— Je sais.
— Cet homme va réussir cette mission pour vous et votre frère.
— Et pour ma fille, dit le gouverneur tout bas.
— Quel homme extraordinaire !
— Oui, je le sais.
Il va réussir, il ne peut en être autrement. »


Jean-Philippe Leboeuf, Rédaction n°8 (collège, classe de 4e) – Le capitaine Vassart (avril 1992 – version corrigée)

Le texte est un peu maladroit, les dialogues manquent de rythme et de réalisme, mais c'était un de mes premiers essais de mise en situation dans un contexte historique. À l'époque j'étais un grand fan du jeu d'aventure/gestion Pirates! de Microprose, à la grande période de Sid Meier – une nouvelle version est d'ailleurs en développement. Ce texte reflète donc en quelque sorte mes propres aventures...
Tout de même un peu d'humour vers la fin et un Vassart qui tombe un peu vite amoureux, mais c'est tout moi ;-)

Posted by Jean-Philippe on July 26, 2004 at 02:00 AM 36 Comments, 288 TrackBacks

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Comments

4

Certains font leur crise existentielle assez tot, d' autres tard, puis ceux pour qui c' est continu.

Posted by véro on October 21, 2004 at 03:30 PM (Spam: 0%)

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