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"Alain Finkielkraut" entries.

October 27, 2003

De la francité


« (...) « Un Français qui ne prend rien en considération en dehors de la France est-il plus français ? Ou moins français ? En fait, être français, c'est justement prendre en considération autre chose que la France (Gombrowicz, Journal 1957-1960, Denoël, 1976, p.25). » Phrase admirable qui explique l'attrait que la France a longtemps exercé sur les étrangers chassés de chez eux par la bêtise haineuse du Volksgeist. Si, par exemple, Emmanuel Lévinas, quittant la Lituanie en 1923, a choisi de faire ses études à l'université de Strasbourg, c'est parce que « la France est un pays où l'attachement aux formes culturelles semble équivaloir à l'attachement à la terre (Lévinas, « Portrait », in Les Nouveaux Cahiers, no 82, automne 1985, p.34) ». La France ne se réduit pas à la francité, son patrimoine n'est pas composé, pour l'essentiel, de déterminations inconscientes ou de modes d'êtres typiques et héréditaires mais de valeurs offertes à l'intelligence des hommes, et Lévinas lui-même est devenu français par amour pour Molière, pour Descartes, pour Pascal, pour Malebranche – pour des oeuvres qui ne témoignent d'aucun pittoresque, mais qui, prenant en considération autre chose que la France, sont des contributions originales à la littérature universelle ou à la philosophie.
Cet idéal est aujourd'hui en voie de disparition.  »

Alain Finkielkraut, La défaite de la pensée (1987)
[page 138-139, Éditions Gallimard, collection folio essais]

Posted by Jean-Philippe on October 27, 2003 16 Comments, 0 TrackBacks

Définition stalinienne d'une nation


« (...) c'est la définition donnée en 1913 par Joseph Staline qui a fini par l'emporter : « La nation est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d'une communauté de langue, de territoire, de vie économique et formation psychique qui se traduit dans une communauté de culture (Staline, Le communisme et la Russie, Denoël, coll. Médiations, 1968, p.85). » »

Alain Finkielkraut, La défaite de la pensée (1987)
[pages 101-102, Éditions Gallimard, collection folio essais]

En lisant ces quelques lignes, la chose la plus surprenante pour moi fut de constater qu'il s'agissait quasiment de la définition que j'avais apprise en histoire au collège et/ou au lycée. Peut-être que nous parlions plutôt d'une « communauté d'intérêts », mais là je me mélange peut-être avec la définition d'un groupe au sens large (une vision consensuelle du groupe restreint étant, rappelons-le, celle d'un « Ensemble de personnes poursuivant en commun certains objectifs ») :

« Le groupe est un champ psychosocial dynamique constitué d'un ensemble repérable de personnes dont l'unité résulte d'une certaine communauté du sort collectif et de l'interdépendance des sorts individuels. Ces personnes, liées volontairement ou non, sont conscientes les unes des autres, interagissent et s'interinfluencent directement. »

C. Leclerc, Comprendre et construire les groupes (1999)
[Québec: Les Presses de l'Université Laval]

Notons que la vision d'un groupe au sens large s'applique plutôt pas mal à une nation...

Posted by Jean-Philippe on October 27, 2003 19 Comments, 0 TrackBacks

La constitution d'une nation comme folie


« (...) En se rassemblant dans le dessein de faire une constitution, les révolutionnaires ont cru réitérer le pacte primordial qui est à l'origine de la société. Pour établir le régime d'assemblée, ils se sont autorisés du contrat social. Or, répondent les défenseurs de la tradition, il n'y a jamais eu de contrat : un citoyen n'appartient pas à sa nation en vertu d'un décret de sa volonté souveraine. Cette idée est une chimère, et cette chimère a engendré tous les crimes. « Une assemblée quelconque d'hommes, écrit Joseph de Maistre, ne peut constituer une nation. Une entreprise de ce genre doit même obtenir une place parmi les actes de folie les plus mémorables (J. de Maistre, Oeuvres complètes, I, Vitte, Lyon, 1884, p. 230.). » »

Alain Finkielkraut, La défaite de la pensée (1987)
[page 25, Éditions Gallimard, collection folio essais]

Posted by Jean-Philippe on October 27, 2003 22 Comments, 0 TrackBacks

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