« – Revenons-en à ta « coupures des racines », ai-je fait au bout d'un moment.
– Oui... si l'Arbre de la Connaissance est détaché des autres Sephiroth, en particulier de la Sephira Beauté, RaHaMiM, qui est aussi l'Arbre de la Vie, alors la CHeKHiNa dépérit... ou plus exactement elle se transmute, et libère l'Arbre de la Mort, qu'elle contient, l'Arbre du Mal, qui se déverse alors sur le monde... (Le Doctor Schizzo semblait peu à peu l'emporter dans son conflit avec l'entité rivale.) Étrangement ça nous ramène aux Tueurs du Millénaire, Dark...
J'ai failli m'en étrangler. De quoi est-ce qu'elle parlait, sacré foutu de bonsoir ?
– Comment ça ?
– La coupure des racines. La coupure des racines de la Connaissance. C'est très exactement ce que pensait Colin Wilson au demeurant. En perdant les contours de son identité, le tueur en série est complètement coupé de l'Unité. Il vit tout seul, dans sa forteresse étanche, en même temps que les frontières de son égo s'estompent. La conscience agit de façon paradoxale, nous le savons... L'Arbre de la Mort l'a envahi. Il est l'Instrument des Forces de l'Autre Côté, comme nous en informe le Zohar... L'Anti-Conscience...
– Je... Attends... Tu veux dire... Tu veux dire que nous avons affaire à des adorateurs de Satan ?
– Évidemment ! m'a alors lancé le Doctor Schizzo instable, de sa voix de stantor. Quelle que soit la forme que prend le rituel, cela va sans dire... Leurs racines sont coupées, Dark. Les racines qui les reliaient à la Vie, à la Beauté et à l'Unité. À la place ont germé les racines de l'Arbre de Mort. Les Racines du Mal. Ce sont les forces de l'Anti-Monde, de la Destruction. De l'Autodestruction... Mais attention, les théoriciens du Zohar pensaient que cela faisait partie du Programme Divin. Une manière de punir les hommes quand ils s'écartaient de la voie... Appelons ça une sorte de sécurité... Un mécanisme de nettoyage, qui détruit finalement celui qui en est l'instrument, dans une véritable spirale autodestructive... (...) »
Les racines du mal, Maurice G. Dantec, Éditions Gallimard (1995)
[pages 482-483, collection folio policier]