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Nature géo-sociale de l'Univers

« Événements gothiques / \ Revenez, hôtes de mes nuits ! »

June 07, 2004

Nature géo-sociale de l'Univers

« L'un des principaux arguments de vente de cet ouvrage en tout point remarquable qu'est le Guide du routard galactique, outre son prix relativement modéré et le fait qu'il porte la mention

PAS DE PANIQUE !

en larges caractères amicaux sur sa couverture, c'est son glossaire à la fois complet et parfois exact. Les statistiques relatives à la nature géo-sociale de l'Univers, par exemple, sont adroitement insérées entre les pages neuf cent trente-huit mille trois cent vingt-quatre et neuf cent trente-huit mille trois cent vingt-six ; et le style excessivement simple avec lequel elles sont rédigées s'explique en partie par le fait que, tenus par les délais de fabrication, les éditeurs recopièrent cet ensemble d'informations sur le dos d'un paquet de flocons d'avoine, non sans avoir hâtivement entrelardé le tout de quelques notes, à seule fin d'éviter les poursuites sous le coup des incroyablement tortueuses Lois galactiques sur le droit d'auteur.
Notons toutefois avec intérêt qu'un rédacteur ultérieur et plus rusé que les autres réexpédia l'ouvrage dans le passé via une faille temporelle, ce qui lui permit de tranquillement poursuivre (avec succès) les fabricants de flocons d'avoine, pour infraction à ces mêmes lois.
A titre d'exemple, voici un extrait de ces statistiques :

L'Univers : quelques informations pour vous y faciliter la vie

1 Superficie : infinie.
Le Guide du routard galactique offre cette définition du mot « infini » :
Infini : plus grand que ce qu'on peut trouver de plus grand, et encore. Bien plus grand, même. Pour tout dire : vraiment incroyablement immense, d'une taille totalement ahurissante, en fait « putain de fois » mahousse. L'infinité est tout bonnement si énorme qu'en comparaison, l'énormité paraît franchement riquiqui. Gigantesque multiplié par colossal multiplié par vertigineusement vaste : tel est le genre de concept que nous essayons d'évoquer ici.

2 Importations : néant.
Il est impossible d'importer des objets dans un territoire infini, faute d'une zone extérieure d'où faire provenir les susdites importations.)

3 Exportations : néant.
(Voir Importations.)

4 Population : néant.
(On sait qu'il existe un nombre infini de mondes, tout simplement parce qu'il existe une quantité d'espace infinie pour les loger. Tous, parfois, ne sont pas habités. Par conséquent, il doit exister un nombre fini de mondes habités. Un nombre fini divisé par l'infini est si près de zéro que ça compte pour du beurre, si bien que la population moyenne de toutes les planètes de l'Univers peut donc être considérée comme égale à zéro. D'où il découle que la population totale de l'Univers est aussi égale à zéro et donc que tout individu que vous seriez susceptible de croiser de temps à autre ne saurait être que le fruit d'une imagination dérangée.)

5 Unité monétaire : néant.
En fait, trois monnaies librement convertibles ont régulièrement cours dans la Galaxie mais aucune vraiment ne compte : le dollar altaïrien s'est récemment effondré, le bouton de Q-Lôth de Pô ne s'échange que contre d'autres boutons de Q-Lôth de Pô, quant au pou-léphrite, il pose de son côté des problèmes bien spécifiques : certes, son cours actuel de neuf suhl-plats contre un pou-léphrite n'est en soi pas sorcier, mais comme le suhl-plat est une pièce triangulaire en caoutchouc de onze mille kilomètres d'arête, personne encore n'a pu en amasser suffisamment pour posséder un seul pou-léphrite. Les suhls-plats ne sont pas négociables, les Galactibanques refusant de manipuler des petites coupures. De l'ensemble de ces prémisses, on peut déduire aisément que les Galactibanques sont également le produit d'une imagination dérangée.

6 Art : néant.
(L'art a pour fonction d'être le miroir où se reflète la nature et aucun miroir n'est de taille suffisante, voir paragraphe 1.)

7 Sexe : néant.
Bon, pour dire vrai, il y a pas mal de sexe – essentiellement à cause de l'absence totale d'argent, de commerce, de banque, d'art et autres activités susceptibles de tenir occupés tous ces inexistants habitants de l'Univers. Inutile toutefois de s'embarquer dans une longue discussion sur ce sujet, tant il peut être effroyablement compliqué. Pour de plus amples informations, on se reportera de préférence aux chapitres sept, huit, dix, onze, quatorze, seize, dix-sept, dix-neuf, vingt et un, soixante-neuf et quatre-vingt-quatorze inclus du présent Guide – en fait, on pourra fructueusement consulter la majeure partie du reste de l'ouvrage. »

Douglas Adams, Le Guide Galactique, II - Le Dernier Restaurant avant la Fin du Monde
[pages 130-133 (chapitre 19), Éditions Denoël (1982), collection Folio SF (2000)]

Posted by Jean-Philippe on June 07, 2004 at 10:58 PM 50 Comments, 175 TrackBacks

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