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Échos de l'a-moral

« Contemporanéité / \ Microsoft m'épate »

December 06, 2004

Échos de l'a-moral

Je souligne :
(...)
De façon générale, le subjectivisme soutient que, soit relativement (pour le sujet), soit absolument (en soi), il n'y a de réalité que subjective, tandis que l'objectivisme considère comme existant en dehors du sujet pensant ces choses dont les subjectivistes font un état du sujet. Par exemple, une théorie de la connaissance subjectiviste affirmera que le sujet ne connaît les choses que telles qu'elles sont pour lui, ou même ne connaît que ses propres sensations ou représentations ; une gnoséologie objectiviste avancera au contraire que l'être humain peut appréhender des données objectives, contrôlables de manière intersubjective, et les différencier de données strictement subjectives, issues de l'expérience vécue, de rêve ou de l'imagination. De même, en esthétique, le subjectivisme tend à faire dépendre tous les jugements de valeur des impressions personnelles, alors que l'objectivisme soutiendra qu'il est possible de porter des jugements objectifs, ou à tout le moins justifiés et intersubjectivement partagés, sur la qualité intrasèque des oeuvres. Enfin, en méta-éthique, le subjectivisme avance que les attitudes ou comportements moraux sont uniquement affaire de préférences et que rien ne peut les justifier. Bien sûr, le subjectivisme admettra que les gens issus d'une certaine culture peuvent manifester les mêmes goûts ou préférences, il admettra même qu'on peut voir certains avantages à l'adoption de telle attitude ou de tel comportement moral, mais il continuera de penser que rien de tout ceci ne saurait prouver à quelqu'un qui aurait éventuellement des goûts, des préférences, des attitudes ou des comportements différents qu'il a nécessairement tort. A l'opposé, l'objectivisme considère que certaines vérités morales sont totalement indépendantes de ce que les gens pensent ou désirent. Tout comme, pourrait-on ajouter, l'énoncé « 2 + 2 = 4 » serait encore vrai si plus personne ne savait compter, une théorie peut être vraie pour l'objectiviste de stricte obédience même si personne ne croit en sa vérité, ou encore une toile de maître demeure un chef d'oeuvre même si tout le monde l'a oubliée. (...)

Entrée Objectivité, section L'objectivisme et le subjectivisme comme métaphysique, Robert Nadeau, dans Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences, sous la direction de Dominique Lecourt, Éditions puf/Quadrige [page 699, collection Dico Poche (1999)]

– Qui sait respirer l'air de mes écrits sait que c'est un air des hauteurs, un air mordant. Il faut y être fait pour y vivre, sans quoi le péril est grand d'y prendre froid. La glace est proche, la solitude effrayante – mais comme les choses y baignent paisiblement dans la lumière ! Comme on y respire librement ! Combien de choses on y sent au-dessous de soi – La philosophie, telle que je l'ai toujours comprise et vécue, consiste à vivre volontairement dans les glaces et sur les cimes, – à rechercher tout ce qui dans l'existence dépayse et fait question, tout ce qui, jusqu'alors, a été mis au ban par la morale. Je dois à la longue expérience acquise au cours d'une telle incursion dans les contrées interdites, d'avoir appris à envisager, tout autrement qu'on ne le souhaiterait sans doute, les raisons pour lesquelles on a jusqu'ici « moralisé » et « idéalisé » : l'histoire cachée des philosophes, la psychologie de leurs plus grands noms, m'est apparue sous son vrai jour. – Quelle dose de vérité un esprit sait-il supporter, sait-il risquer ? Voilà qui, de plus en plus, devint pour moi le vrai critère des valeurs. L'erreur (la croyance en l'idéal) n'est pas aveuglement, l'erreur est lâcheté... Chaque acquisition, chaque pas en avant dans la connaissance est la conséquence du courage, de la dureté envers soi, même de la probité envers soi... Je ne réfute pas un « idéal », mais je ne le touche qu'avec des pincettes... Nirimur in vetitum : c'est par ce signe qu'un jour ma philosophie vaincra, car jusqu'ici on n'a jamais, par principe, interdit que la vérité. –

Ecce Homo, Friedrich Nietzsche, Éditions Gallimard [page 94, collection Folio/Essais (2002)]

Posted by Jean-Philippe on December 06, 2004 at 05:36 PM 1 Comments, 167 TrackBacks

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