Contemporanéité
(...) « Amender les hommes », voilà bien la dernière chose qu'il me viendrait à l'idée de promettre. Ce n'est pas moi qui dresserai jamais aucune idole nouvelle : les anciennes puissent-elles apprendre ce qu'il en coûte d'avoir des pieds d'argile. Renverser les idoles (et par « idoles », j'entends tout « idéal »), telle est plutôt mon affaire. Dans la mesure où l'on forgeait de toutes pièces un mensonger « monde idéal », c'est autant de sa valeur, de son sens, de sa véracité que l'on ôtait à la réalité... « Monde vrai » et « monde de l'apparence », traduisez : monde inventé par le mensonge et réalité... Le mensonge de l'idéal fut jusqu'ici l'anathème jeté sur la réalité, et l'humanité même en est devenue mensongère et fausse – jusque dans ses instincts les plus profonds – au point d'adorer les valeurs inverses de celles qui lui auraient garanti l'épanouissement, l'avenir, le droit éminent à un avenir.
Ecce Homo, Friedrich Nietzsche, Éditions Gallimard [pages 93 et 94, collection Folio/Essais (2002)]
Posted by Jean-Philippe on November 26, 2004 at 06:15 PM 0 Comments, 263 TrackBacks
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